- Mon fils, il est temps.
Le fils, de dos à son père qui venait de faire irruption, contint sa panique derrière un visage figé quoi qu'inquiet, les yeux quelque peu écarquillés. Discrètement, il gratta du bout de ses longs doigts le dispositif situé sur son avant-bras droit afin de glaner l'heure qu'il pouvait bien être. S'il était temps, il aimait savoir le temps de quoi ; tout indice était bon à prendre. Maladroit, tremblant - son père lui faisait un certain effet - il activa malencontreusement le dispositif d'auto-destruction de son kit manuel de chasseur. C'était un ancien modèle, un de ceux qui bénéficiaient de bien peu de protections et avaient, par le passé, occasionné quelques accidents domestiques sur Yautjara. Des broutilles qui s'étaient chiffrées en milliers de morts à chaque fois.
Zahr-Of suait à grosses gouttes, cherchant frénétiquement et surtout désespérément à désactiver l'inconvenant dispositif nucléaire tactique portatif qui venait de s'enclencher. Le compte à rebours se poursuivait paisiblement et sans encombre, annonçant l'heure prochaine de son décès. Au fond, c'est peut-être de ça dont il était temps. Foutu pour foutu, dos toujours tourné à son père qui se demandait encore pourquoi sa stupide progéniture tardait à le regarder, Zahr-Of détacha son kit et le jeta à l'autre bout de la pièce avant de s'enfuir comme le lâche qu'il était. L'explosion aurait de toute manière couvert des kilomètres de terrain, le jeune Yautja avait failli à au moins paraître digne dans la mort qui venait.
La patriarche, sans chercher à comprendre, las, le regardait cavaler désespérément, mains crispées sur ses cheveux, indigne comme on n'aurait pu l'être davantage, puis il se saisit de la bombe et la désactiva en deux coups d'index. Peut-être Zahr-Of n'était-il pas prêt pour le kit de chasseur. Peut-être n'était-il pas prêt pour la chasse. Peut-être était-il né sur la mauvaise planète.
Smeern-Of était chasseur de légende. Primo inter pares, né d'une race illustre, il avait le pédigrée des grands de son monde, de ces héros à partir desquels on bricolait des chants glorieux qu'on entonnerait encore pour les siècles à venir. Il avait tout pour lui. Tout, sauf une descendance digne de lui succéder.
Car la société Yautja était tribale, la faute du fils se reportait sur le père et, n'ayant pu se résoudre à tuer son unique descendant, Smeern-Of devait prendre les devants. Son père avant lui avait été absent et il s'était imaginé que répliquer ce même modèle suffisait à éduquer un fils. Mais - et c'était à mettre sur le compte de cette nouvelle génération - Zahr-Of était devenu objecteur de conscience. Ça lui avait pris un lendemain de traque où il avait manqué d'être bouffé par la créature même qu'il poursuivait. Ce n'était pas tant pour préserver la biosphère qu'il ne remplissait pas son devoir, mais par trouille. Couvé par une mère dont il était le plus merveilleux accomplissement, sa chair et son esprits avaient été gâtés comme une viande de gibier qu'on aurait négligemment laissé pourrir en oubliant de lui couper les bourses. Des couilles, Zahr-Of n'en avait pas plus que ça, mais la viande était déjà faisandée à souhait.
Honte de sa famille et même de son espèce, son père le retrouva aplati les mains sur la tête sous une table de jardin, tremblant les fesses en l'air. Il était fils de héros et son existence seule tuait le mythe de celui-là même qui l'avait engendré. Ce dernier, d'un coup de pied, renversa la table, dévoilant son rejeton à l'air libre. Beau bébé que celui-ci puisqu'il faisait presque la taille de son père. Quand tous ceux de son âge s'enorgueillissaient déjà de trophées multiples et variés, Zahr-Of se passionnait pour ces ustensiles rapportés des proies occises. Le paternel eut du mal à se saisir de lui ; son gros marmot s'agitait comme un goret croisé avec une anguille qui, à force de gigoter pour fuir la branlée qui lui pendait au nez, lui filait sans cesse entre les doigts. Sa gorge entre les pattes de son père, décollé du sol avec une facilité déconcertante en dépit de sa large carcasse, Zahr-Of était à présent toute ouïe.
- Il est temps d'entreprendre la plus dangereuse des chasses qui soient et de te mettre à traquer..... ta future femme.
Puisque le fils était foutu - c'était en tout cas le constat le plus lucide à observer - Smeern-Of comptait sur la génération suivante pour redorer son blason et sa lignée. Et puisque sa femme n'était plus en état d'engendrer de nouveaux fils, il ne restait qu'à miser sur l'avenir pour que la gloire ne s'achève pas sur si piètre spécimen. Pari risqué que le sien.
Le fils, de dos à son père qui venait de faire irruption, contint sa panique derrière un visage figé quoi qu'inquiet, les yeux quelque peu écarquillés. Discrètement, il gratta du bout de ses longs doigts le dispositif situé sur son avant-bras droit afin de glaner l'heure qu'il pouvait bien être. S'il était temps, il aimait savoir le temps de quoi ; tout indice était bon à prendre. Maladroit, tremblant - son père lui faisait un certain effet - il activa malencontreusement le dispositif d'auto-destruction de son kit manuel de chasseur. C'était un ancien modèle, un de ceux qui bénéficiaient de bien peu de protections et avaient, par le passé, occasionné quelques accidents domestiques sur Yautjara. Des broutilles qui s'étaient chiffrées en milliers de morts à chaque fois.
Zahr-Of suait à grosses gouttes, cherchant frénétiquement et surtout désespérément à désactiver l'inconvenant dispositif nucléaire tactique portatif qui venait de s'enclencher. Le compte à rebours se poursuivait paisiblement et sans encombre, annonçant l'heure prochaine de son décès. Au fond, c'est peut-être de ça dont il était temps. Foutu pour foutu, dos toujours tourné à son père qui se demandait encore pourquoi sa stupide progéniture tardait à le regarder, Zahr-Of détacha son kit et le jeta à l'autre bout de la pièce avant de s'enfuir comme le lâche qu'il était. L'explosion aurait de toute manière couvert des kilomètres de terrain, le jeune Yautja avait failli à au moins paraître digne dans la mort qui venait.
La patriarche, sans chercher à comprendre, las, le regardait cavaler désespérément, mains crispées sur ses cheveux, indigne comme on n'aurait pu l'être davantage, puis il se saisit de la bombe et la désactiva en deux coups d'index. Peut-être Zahr-Of n'était-il pas prêt pour le kit de chasseur. Peut-être n'était-il pas prêt pour la chasse. Peut-être était-il né sur la mauvaise planète.
Smeern-Of était chasseur de légende. Primo inter pares, né d'une race illustre, il avait le pédigrée des grands de son monde, de ces héros à partir desquels on bricolait des chants glorieux qu'on entonnerait encore pour les siècles à venir. Il avait tout pour lui. Tout, sauf une descendance digne de lui succéder.
Car la société Yautja était tribale, la faute du fils se reportait sur le père et, n'ayant pu se résoudre à tuer son unique descendant, Smeern-Of devait prendre les devants. Son père avant lui avait été absent et il s'était imaginé que répliquer ce même modèle suffisait à éduquer un fils. Mais - et c'était à mettre sur le compte de cette nouvelle génération - Zahr-Of était devenu objecteur de conscience. Ça lui avait pris un lendemain de traque où il avait manqué d'être bouffé par la créature même qu'il poursuivait. Ce n'était pas tant pour préserver la biosphère qu'il ne remplissait pas son devoir, mais par trouille. Couvé par une mère dont il était le plus merveilleux accomplissement, sa chair et son esprits avaient été gâtés comme une viande de gibier qu'on aurait négligemment laissé pourrir en oubliant de lui couper les bourses. Des couilles, Zahr-Of n'en avait pas plus que ça, mais la viande était déjà faisandée à souhait.
Honte de sa famille et même de son espèce, son père le retrouva aplati les mains sur la tête sous une table de jardin, tremblant les fesses en l'air. Il était fils de héros et son existence seule tuait le mythe de celui-là même qui l'avait engendré. Ce dernier, d'un coup de pied, renversa la table, dévoilant son rejeton à l'air libre. Beau bébé que celui-ci puisqu'il faisait presque la taille de son père. Quand tous ceux de son âge s'enorgueillissaient déjà de trophées multiples et variés, Zahr-Of se passionnait pour ces ustensiles rapportés des proies occises. Le paternel eut du mal à se saisir de lui ; son gros marmot s'agitait comme un goret croisé avec une anguille qui, à force de gigoter pour fuir la branlée qui lui pendait au nez, lui filait sans cesse entre les doigts. Sa gorge entre les pattes de son père, décollé du sol avec une facilité déconcertante en dépit de sa large carcasse, Zahr-Of était à présent toute ouïe.
- Il est temps d'entreprendre la plus dangereuse des chasses qui soient et de te mettre à traquer..... ta future femme.
Puisque le fils était foutu - c'était en tout cas le constat le plus lucide à observer - Smeern-Of comptait sur la génération suivante pour redorer son blason et sa lignée. Et puisque sa femme n'était plus en état d'engendrer de nouveaux fils, il ne restait qu'à miser sur l'avenir pour que la gloire ne s'achève pas sur si piètre spécimen. Pari risqué que le sien.